3 ans, âge auquel Tonin est tombé malade.....3 ans passée à "vivre" avec la leucémie.
Tout cela semble à la fois être un mauvais souvenir et une ombre toujours présente.
La rémission est là, la crainte aussi.....
Trois ans plus tard, participation à l'article ci-dessous pour le site de "la maison du cancer"
ENFANTS MALADES: le besoin de vérité
Passé le choc de l’annonce dramatique du cancer de leur enfant, mille questions se bousculent dans la tête des parents. Doit-on lui dire? Avec quels mots ? Jusqu’où aller dans la précision des details, notamment quand le malade est encore très petit ? Accompagnés par les soignants, les parents apprennent à parler de la situation avec délicatesse, mais surtout sans tabou.
Au départ, il y a eu quelques bleus, des saignements de nez, une étrange pâleur. Puis une visite chez le médecin, le résultat des analyses… tout s’est enchaîné : l’annonce de la probable leucémie à Sophie, maman du petit Tonin, 3 ans. La préparation de sa valise Bob l’éponge pour se rendre au centre hospitalier. « Bonhomme, il semble que tu sois malade, a-t-elle trouvé la force de lui dire. On va à l’hôpital pour voir ce que c’est. On va peut-être devoir y rester un petit peu”.
Au bouleversement émotionnel engendré par l’épreuve de la maladie s’est ajouté désormais pour Sophie, comme pour tous les parents, l’incertitude de trouver les bons mots, au bon moment. Personne n’est preparé à un tel défi.
Un travail d’équipe
Concrètement, les parents ne sont jamais livrés à eux-mêmes face à l’annonce d’une pathologie grave, quel que soit l’âge de l’enfant.*.
Le tout premier interlocuteur du jeune malade est le médecin qui, souvent en présence des parents, donne le ton en adaptant son discours à l’âge de l’enfant. Tous les spécialistes sont unanimes : il ne faut jamais cacher sa maladie, ni mentir au petit patient, et ce quel que soit son âge. Bien sûr, “il faut y mettre les formes. Mais ce n’est pas parce qu’il ne comprend pas tout qu’on ne doit rien lui expliquer”, assure le Pr Yves Pérel, du Service de Cancérologie Pédiatrique du CHU Bordeaux.
“Un enfant de 15 mois qui voit l’hôpital, les blouses blanches, qui rentre à la maison, puis retourne à l’hôpital, a bien conscience que sa routine est perturbée. Tout cela donne à sa vie une allure imprévisible, il se sent en danger”, poursuit-il. Il ne s’agit alors pas d’entrer dans les détails techniques, mais de lui expliquer pourquoi cette routine est cassée. “Même s’il ne comprend pas les mots, il comprend l’intention, qu’on est là pour faire équipe avec lui, le ton et l’attitude comptent plus que le contenu même du discours”.
Les images de la maladie
Plus l’enfant grandit, plus la simple musique des mots se transforme en concepts porteurs de sens.
“Le médecin a expliqué à Tonin que de méchantes cellules, qui s’appelaient les Blastes, étaient en train de s’attaquer aux bonnes. ‘On a besoin de toi pour les combattre, et pour aider les bonnes cellules, on va t’en donner d’autres’. Il lui parlait en fait des transfusions de sang et de plaquettes”. “Comme Tonin ne se sentait pas malade, mais juste très fatigué, il n’a pas vraiment réagi. Nous, ses parents, on lui a dit: ‘On a notre maison à nous, on a aussi une maison de vacances… l’hôpital, c’est notre troisième résidence, on va s’y installer quelque temps”.
Des supports medias ont aussi été conçus pour aider à la compréhension. “Le médecin lui a donné le DVD d’une émission pour enfants sur la leucémie. Beaucoup d’éléments lui ont échappé, mais ce film l’a visiblement marqué puisque par la suite, à différentes phases de son traitement, il a demandé à le revoir”, raconte Sophie.
Oser les mots justes
S’il est important de ne pas s’adresser aux enfants comme à des adultes en leur tenant un discours “brut de décoffrage”, il ne faut pas, selon les spécialistes, avoir peur des mots. Pas même de “cancer” ou “tumeur”. Pour le Pr Yves Pérel, “ils doivent les connaître et si on leur a dit suffisamment tôt, ils les réutiliseront sans crainte. Cette précision ne pénalise pas l’enfant, bien au contraire”.
Serge, papa de la petite Camille, atteinte à 3 ans d’un cancer du rein, se souvient d’avoir “toujours parlé de tout avec les médecins, devant elle”. “Au début, on lui parlait de ‘boule’ au lieu de ‘tumeur’, puis le mot ‘tumeur’ s’est installé dans le langage courant”. “On lui a même expliqué qu’on allait déplacer son ovaire lors de la radiothérapie pour multiplier ses chances d’être maman un jour”.
En effet, “même si l’enfant n’a pas les moyens d’intégrer ces informations, ce sera pour lui plus traumatique d’apprendre plus tard qu’on ne lui avait rien dit”, explique Gwenaelle Jouquand, psychologue au sein de l’unité d’oncologie du CHU de Bordeaux.
Car se qui se joue lors de ces premières explications, c’est aussi “l’instauration d’un rapport de confiance entre enfants et adultes”.
La nécessité du traitement
Mieux on leur explique, plus les enfants comprennent que chaque contrainte, du simple régime alimentaire au port d’un dispositif plus lourd, est partie d’un protocole qui les aidera à aller mieux. Même petits, ils prennent conscience de la nécessité du traitement.
“Camille est arrivée à 4 ans à l’école avec un cathéter. C’était l’angoisse absolue pour nous, il fallait des conditions d’hygiène irréprochables pour éviter les infections. La maîtresse l’a entendue dire aux autres:‘Bon. On joue à tout ce que vous voulez. Mais moi, j’ai un cathéter. Il ne faut surtout pas me toucher la poitrine. D’accord?’”.
“Vers 4 ou 5 ans, on peut déjà leur montrer ce qu’on voit sur des radios”, estime le Pr Yves Pérel. “Et souvent, vers 7 ans, un enfant est capable d’expliquer dans les grandes lignes sa maladie ”.
“C’est aussi vers cet âge là que la notion de la mort, bien que déjà présente, prend une nouvelle dimension”.
La question de la mort
À certains stades du traitement, “beaucoup de parents nous demandent à nous, médecins : « vous n’allez quand même pas lui dire qu’il va mourir? » La réponse est non, “on ne le lui dit pas comme ça”, explique le Pr Yves Pérel. “Mais il faut être clair avec eux, et leur dire assez tôt : « ta maladie est grave, il y a 20 ans on en mourait, aujourd’hui on a de nouveaux traitements, on espère que tu vas guérir, mais parfois la maladie est plus forte’”.
Les enfants sont très proches des émotions de leurs parents, et même bébés selon les psychanalystes, pressentent que la gravité de la pathologie engendre le risque mortel. En grandissant, parce qu’ils entendent les adultes parler de la maladie ou sont confrontés à la perte d’un proche, cette notion se précise. Lorsqu’ils adressent leurs questions et leurs doutes aux adultes, “il faut leur répondre avec des mots simples. On peut s’aider de métaphores, de dessins, de contes, là encore on n’explique pas à un enfant comme à un adulte, mais nous devons toujours lui dire la vérité”, explique Gwenaelle Jouquand.
“Quand Tonin a perdu un de ses amis de l’hôpital, il n’a plus voulu y aller. Il disait “mon copain est mort, vous n’avez pas réussi à le sauver”, raconte Sophie. “Alors le médecin lui a bien expliqué qu’il n’avait pas la même maladie. On ne lui a jamais caché que certains en mourraient, d’autres en guérissaient, et que lui était de ceux qui s’en sortaient”.
"Parfois, quand il m’interroge sur la mort et que je ne sais pas quoi lui répondre, je lui retourne la question, en lui disant “et toi, qu’est-ce que tu en penses?” J’essaie de voir ce qu’il a en tête, puis je complète avec mes mots”.
Pour Serge, la question de la mort a été posée très rapidement par les deux grandes sœurs de la petite malade, alors âgées de 10 et 8 ans. Comme pour l’enfant malade lui-même, “nous leur avons tout expliqué, la maladie, les traitements, les risques”.
Qu’ils soient nourrissons ou pré-ados, les spécialistes préconisent de laisser les jeunes frères et soeurs rendre visite au malade afin qu’ils aient conscience de la façon dont les choses se passent. Si besoin, une prise en charge de la fratrie par un psychologue est aussi envisageable.
Et le papa de Camille de conclure: “Il faut impérativement parler de la maladie sans tabous. On nous a toujours affirmé que le principal acteur dans la lutte contre la maladie était l’enfant lui-même. Mieux vaut bien connaître la pièce qu’on doit jouer quand on tient le premier rôle”.
Celia Heron