Il faut avancer !

Trois jours après l'annonce de la maladie de Tonin, j'ai cherché dans mes tiroirs un cahier et un stylo.

Il fallait que j'écrive.

Je ne suis pas une littéraire, mais j'ai eu une sorte de « besoin incontrôlable » de mettre par écrit tout ce qui arrivait à Tonin dans la journée.

C'est sans doute aussi un moyen un peu égoïste pour moi  d'exprimer mon vécu dans « cette nouvelle vie ».

Ma thérapie.

Tous les  soirs, depuis le 24 février, j'ai posé sur les pages de mon cahier le combat  de Tonin contre la leucémie, à travers les différentes phases de son protocole.

Et puis, au début du mois d'avril, pour pouvoir donner des nouvelles à toutes les personnes qui connaissent Tonin, je me suis décidée à ouvrir ce blog.

 

Les moments sont écrits comme ils sont vécus. Douloureux, heureux.

 

C'est l'histoire de mon petit guerrier, de tout juste 3 ans,contre les méchants blastes.

 C'est aussi  un peu de moi : l'histoire d'une Maman qui fera tout, tout pour ce petit homme qu'elle a de plus cher au monde.

 

Vendredi 22 février – 2ème jour d'hospitalisation

Première nuit à l'hôpital, pour Tonin. Il a bien dormi, de toute façon il est épuisé.

 Il est si pâle.

Il est dans une chambre à deux lits. Mais il est seul  pour le moment dans la chambre. Nous avons choisi le lit près de la fenêtre (Cette fenêtre doit rester fermée la journée, on peut éventuellement l'ouvrir la nuit, à cause des microbes !!) , ainsi Tonin peut regarder un peu dehors.

Il y a un petit cabinet de toilette pour les enfants, avec une douche.

Pour la personne qui passe la nuit avec son enfant, il y a un lit pliant caché dans une sorte de « faux meuble ».

Alors quand il y a deux enfants dans la chambre + deux parents, c'est un vrai casse-tête pour déplier les lits des parents, il faut même sortir certains meubles de la chambre, dans le couloir.

Moi, j'ai passé une nuit blanche. Je suis vite revenue à l'hôpital. Je veux être près de Tonin.

 Les 20 minutes de trajet en voiture de la maison à l'hôpital sont, le matin une véritable épreuve : je suis seule avec moi-même, à ruminer ce qui est en train de se passer, à essayer de comprendre, de remettre mes idées en place.

Mais, en fait, je n'y comprend rien.

  POURQUOI ?

 Il est si petit.

Dans quinze jours il va avoir 3 ans….

 POUR-QUOI ?

 Je ne veux pas que mon petit garçon meurt.

J'imagine le pire et me demande même ce que sera l'après, si Tonin ne s'en sort pas. Est-ce qu'il y aura même un après ?

Je pleure beaucoup. Il ne faut pas qu'il me voit ainsi.

Nous avons décidé avec son Papa, de ne jamais pleurer devant Tonin. Dès que nous franchissons le pas de la porte de la chambre, c'est avec le sourire. La consigne est de même pour toutes les personnes qui viennent le voir.

Son Papa et Moi le couvrons de "bisous-calins", Tonin a tant besoin de nous et d'être rassuré.

Nous avons commencé à lui expliquer, dès son arrivée à Trousseau, pourquoi il va  rester longtemps à l'hôpital, les soins et les actes qu'il va recevoir.

 

Aujourd'hui Tonin va avoir un myélogramme pour étudier « l'état de sa moelle osseuse », une prise de sang et de nouveau un culot plaquettaire.

Le moment du myélogramme arrive. Le médecin explique à Tonin le déroulement de l'examen.

 Une heure avant, l'infirmière (IDE) est venue poser sur chaque os iliaque (au niveau de la hanche), un patch pour anesthésier l'endroit où la ponction de  moelle sera faite.

Nous pouvons rester pendant les soins.

Franck reste avec Tonin. Moi, je sors car je trouve cet acte très agressif. Je ne veux pas le voir faire sur mon petit garçon.

L'examen se passe bien. Plusieurs personnes, dont Franck, maintiennent Tonin sur le côté pour qu'il ne bouge pas et une autre personne lui tient le masque de kalinox (« gaz hilarant » utilisé dans le service, pour que les enfants supportent les actes et certains soins) sur le visage.

Le médecin procède à la ponction, pendant, qu'à travers la porte de la chambre, j'entend mon petit Tonin chanter à tu tête, en boucle, avec le médecin et les IDE (= effet Kalinox) :

« petit escargot porte sur son dos, sa maisonnette. Aussitôt qu'il pleut, il est tout heureux, il sort sa tête » !!!

 

Ce qui nous arrive n'est pas possible, c'est un mauvais rêve. Tout le monde s'est trompé…

Pourquoi ça nous arrive, pourquoi ça LUI arrive ?

Depuis près de trois ans, il a déjà eu tellement de problèmes, notre petit Chéri tellement espéré, désiré et si difficile à avoir.

Après un parcours de plusieurs années pour traiter ma stérilité, la F.I.V (fécondation in vitro) a eu raison de mon ventre qui, je l'apprendrai un an après la naissance de Tonin, ne me donnera plus jamais d'enfant. C'est un bébé miracle.

L'Aide Médical à la Procréation (AMP) nous a aidé à avoir ce petit garçon déjà tellement unique.

La médecine ça nous connaît ! Alors sur ce coup là, nous comptons encore beaucoup sur l'aide médicale ….à la guérison cette fois !

 

Dans l'après midi nous sommes reçu par le Dr A. qui va nous donner la confirmation du diagnostic : c'est une leucémie aigue lymphoblastique (LAL). La plus courante à son âge et celle que l'on soigne le mieux.

Celle que l'on soigne le mieux…

Ca ne veut pas dire pour autant celle que l'on guérit ( !!)

Malgré tout je souris.

Je regarde Franck et je souris car je me sens soulagée. Cela peut paraître étrange, mais c'est tout de même le tableau le moins pire, alors ça me convient dans l'état actuel des choses.

Le Dr A. nous explique que le chemin sera long et qu'elle nous donnera dans quelques jours le protocole que Tonin suivra.

 « IL FAUT AVANCER » nous dit-elle.

Cette phrase me résonne dans la tête.

Désormais elle sera mon leit motiv .

Il faut se relever, regarder devant soi et AVANCER……

 

Le médecin nous explique qu'elle ne nous cachera rien pendant ce long parcours. Elle ne nous dira pas ce que nous avons envie d'entendre. Elle nous dira la vérité.

C'est honnête. C'est aussi ce que nous voulons, même si les choses ne sont pas toujours faciles à attendre. De toute façon, à quoi bon se voiler la face si ça ne se passe pas bien...

 

Nous sortons du bureau. Ce fameux bureau dans lequel tous les parents passent pour avoir des résultats, des diagnostics…..de bonnes nouvelles, de mauvaises nouvelles.

Ah ! le bureau, au fond du couloir…. La porte est toujours fermée. On a l'impression que « tout se joue » entre ces quatre murs, que notre destin en dépend.

A chaque fois que le médecin dit à un parent « il faudra que je vous vois », nous les parents , tous autant que nous sommes, nous angoissons à l'idée de nous retrouver dans ce bureau pour l'annonce d'une mauvaise nouvelle. Mais comme le dit le Dr A. , les médecins y annoncent aussi de bonnes nouvelles !

 

Arrive le moment de la prise de sang.

Ses veines sont très difficiles à piquer en temps ordinaire, alors avec une Numération Formule Sanguine (NFS ou Num' en langage médical !) complètement perturbée, c'est mission impossible.

 

Pour information, voici  la Num' de Tonin au premier bilan fait au laboratoire de ville, le 21 février :

 

Le même jour, en arrivant à l'hôpital Trousseau, c'est à dire quelques heures après ces résultats, la Num ' avait encore beaucoup changé. Evidemment en pire.

 

Hier, nous avons été obligé d'aller dans le bâtiment en face de celui d'hémotologie, en salle de réveil, pour perfuser Tonin et lui faire son prélèvement sanguin. Je l'ai accompagné en salle de réveil, pendant que Franck attendait dans le sas du bloc. Un seul parent est autorisé.

Cela s'est assez bien passé : Après 3 essais de pose de perfusion et une vingtaine de chansons enchaînées en cœur (IDE, médecin, Tonin et Maman ) sous l'effet Kalinox (à croire que tout le monde en a profité !!), nous repartons à travers les couloirs du sous sol de Trousseau, la perfusion bien « sparadrapée » au bras de Tonin (et oui, elle est précieuse, on ne fera pas ça tous les jours !).

L'IDE prélève Tonin. La Num' n'est toujours pas bonne et il faut de nouveau passer un culot plaquettaire. La perfusion lui fait mal. Elle a diffusée. Il faut donc le reperfuser.

On ne peut pas lui poser directement le Kathéter central à cause des plaquettes qui sont trop basses. Cela risque d'entraîner une hémorragie.

Nous retournons donc en salle de réveil. Cette fois, c'est Franck qui rentre avec lui, moi je reste derrières les portes battantes de l'entrée du bloc.

C'est long, trop long. Ils n'arrivent sûrement pas à «  le repiquer ».

Et puis, Tonin se met à pleurer. Je tends l'oreille. Oui, c'est bien lui, je reconnaît sa voix.

Il a mal. Je l'entend crier et « les » supplier d'arrêter. Il crie «  non, lâchez-moi, ….Papa j'ai mal,… Arrêter,…. s'il vous plait monsieur,… »

STOP. ARRETEZ !!!!!!! laissez le tranquille. Je suis derrière  ses portes, impuissante. Pourquoi son Papa ne leur dit pas d'arrêter ?

Je pleure. Je vais rentrer dans le bloc si ça ne s'arrête pas.

Ca fait dix minutes que je l'entends hurler. Ca fait dix minutes que je vois autour de moi des affiches qui revendiquent le fait que dès la naissance un nouveau-né ressent la douleur et que c'est inacceptable de laisser souffrir un enfant.

Mais M…. ! qu'est ce que vous en faites de vos belles affiches et qu'est ce que vous êtes entrain de faire à mon Fils ????

J'ai envie de crier, de passer ses portes. Mais je ne le fais pas. Quelle souffrance je partage avec mon petit garçon ! s'il a mal j'ai mal, mais le plus difficile  est pour lui.

 Ils arrivent enfin. Je le sers dans mes bras…… « ils » n'ont pas réussi à lui poser la perfusion !!…je rêve….Tout ça pour rien. C'est quoi cet acharnement ?

Il a été « piqué, repiqué », une fois, deux fois, dix fois,…. Il a des trous partout sur les mains et les bras, des bleus,….et surtout la peur dans les yeux.

Qu'est ce que vous avez fait à mon enfant ? Vous ne croyez pas que c'est assez dur comme ça pour lui ?

 

Mon Chéri, si je pouvais prendre tes souffrances et ta maladie, Mon Dieu je le ferais, je te le jure, je le ferais….. tu es si petit…mon tout petit bébé…..

 Tonin s'est endormi. Il est fatigué et épuisé par ce qui lui arrive.

Nous en profitons, Franck et moi, pour aller faire quelques courses au Franprix, en face de l'hôpital.

J'ai l'impression que ce magasin ne fonctionne qu'avec les parents des enfants hospitalisés !

Ce sera je pense, fréquemment  un de mes lieux de sorties.

Nous faisons nos courses, sans grande  conviction. En fait, nous n'avons pas vraiment faim.

Nous revenons vite dans le service. Nous avons l'impression d'avoir été trop longtemps loin de Tonin.

Nous nous retrouvons dans le salon des parents.

Nous allons y passer des heures pendant « notre séjour à Trousseau ».

Comment le décrire ?

C'est une pièce pas très propre, à la charge des parents. Il y a un coin cuisine avec des plaques électriques encrassées, un évier, des placards . un peu plus loin, deux réfrigérateurs (un qui fonctionne et l'autre non), un four micro-ondes et une cafetière électrique.

A l'autre bout de la pièce, un lave-linge et un sèche linge.

Des toilettes, un peu en retrait.

Pour meuble: une table ronde, quelques chaises et deux canapés. un panier à revues.

Voilà.

C'est ici que les parents, de 3 étages du service d'hématologie, cohabitent dans la journée quand ils ne sont pas avec leurs enfants.

Parfois même, certains y dorment la nuit, sur les canapés.

 Ah oui, j'oubliais : pleins de boites en plastique, au sol, qui renferment le nécessaire par famille pour prendre les repas quotidiens.

Dans le réfrigérateur, des sacs plastiques composés essentiellement de plats cuisinés et de yaourts.

Il faudra que l'on  achète, nous aussi, notre boite !

 Nous avons essayé de déjeuner, pendant sa sieste. L'appétit ne vient pas. La conversation non plus. Franck et moi mangeons en silence, des idées noires plein la tête et des larmes pleins les yeux.

Nous avons commencé à prévenir la famille et les amis.

Ce soir, ce sont les vacances scolaires.

Nous devions partir Franck, Paul (le demi-frère de Tonin) et Moi, à Tignes, dans huit jours.

Nous ne sommes jamais partis à la montagne ensemble. Nous étions impatients.

Tonin était prévenu qu'il ne venait pas avec nous et que c'était son Grand-père et sa Grand-mère qui venaient le garder à la maison pendant une semaine.

Tant pis pour les vacances, ça n'a plus d'importance, nous les apprécierons mieux en partant tous les quatre, une autre fois !

Paul n'est pas encore prévenu pour son frère. Franck appelle sa Maman pour qu'elle lui explique.

 

En fin d'après midi, finalement Tonin repart au bloc opératoire pour la pose du cathéter central.

Il devait être posé que lundi.

Finalement, il vaut mieux le poser avant le week-end car s'il a besoin de sang et de plaquettes, il n'y aura pas de problème pour les passer samedi et dimanche.

 

J'ai informé le médecin anesthésiste, qui est venu dans le service prendre des informations pour le dossier d'anesthésie, sur le passage en salle de réveil. J'ai prévenu aussi le Dr A, notre médecin référent. Elle rencontrera la personne qui s'est acharné sur Tonin.

Je lui fait part, aussi, que Tonin a peut être été en contact avec des enfants qui ont la varicelle. Il y en a en ce moment à la crèche, ainsi que des gastro.

Ce n'est pas une bonne nouvelle. Tonin est mis immédiatement sous Zovirax en intra veineux, jusqu'à la fin de l'hospitalisation.

 Toute l'équipe est vraiment à notre écoute.

Nous accusons le choc de l'annonce et lorsque nous craquons il y a un médecin, une infirmière ou une aide soignante qui est là pour nous soutenir et nous écouter.

Merci à vous de nous épauler dans les moments difficiles.

Nous ne devons pas lâcher prise et votre présence est énorme dans notre quotidien.

Encore merci…..

Nous sommes très angoissésn mais dans le service on sent le calme et la maîtrise. C'est très rassurant.

Tonin s'est réveillé en fin d'après midi.

Il reçoit en soirée son culot plaquettaire.

Il a des perfusions de "je ne sais quoi". Je fais totalement confiance à l'équipe du service. Cette équipe a la vie de mon fils entre ses mains.

J'apprends ajourd'hui que Tonin est du groupe A+

C'est Franck qui reste cette nuit avec Tonin.

Je rentre tard à la maison. Elle est toujours aussi vide.

Le trajet du retour est aussi difficile que celui de ce matin. Je pleure, les kilomètres m'éloignent de mon fils.

Je me trompe encore de route pour rentrer, mais c'est mieux qu'hier !

Je vais essayer de dormir. Ce n'est pas gagné…..  



02/06/2008
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